Elsa est sous contrainte
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Elsa
est entravée
Lundi
8/01/2019, au début d’une réunion de gestion de crise au boulot, j’apprends
qu’Elsa part de son EHPAD « normal » pour les urgences
psychiatriques.
Depuis
plusieurs jours elle enchaîne les crises de panique, est agressive avec les
soignants et les autres résidents.
Le
nouveau traitement qui tente d’endiguer un peu les hallucinations qui
reviennent en masse ne semble pas encore faire effet.
…
Mardi
après-midi je prends de ses nouvelles ; il n’y a pas de lit dans l’unité
psychiatrique et elle est accueillie dans le service d’hospitalisation de
courte durée le temps que.
Je
trouve Elsa entravée, délirante, qui parle à des gens invisibles.
Elle
est perturbée, elle semble me reconnaître et me demande à travers des mots
disparates de la détacher parce qu’elle veut se rendre aux toilettes.
Je
me mets en quête de soignants qui interviennent rapidement pour tenter de lui
passer un bassin malgré les entraves.
Je
suis sorti, mais j’entends du couloir.
Cette
voix qui vocifère de façon étonnamment intelligible, qui insulte ces deux
soignants avec des mots crus et d’une grossièreté étonnante…
Je
ne reconnais pas cette voix.
Je
ne reconnais pas ce qui a été ma mère dans ces vociférations.
Immédiatement,
me vient à l’esprit le film l’Exorciste et je m’imagine un prêtre tentant de
faire sortir d’Elsa cet être maléfique qui y a pris place.
J’entends
les soignants capituler et lui expliquer calmement qu’ils reviendront quand
elle sera un peu plus calme et disposée à les écouter.
Je
leur souris quand ils sortent de la chambre, comme pour leur signifier mon
soutien et ma compréhension…
Je
passe ensuite une petite heure dans la même pièce qu’Elsa (il m’est difficile
de dire « avec »).
Je
me détache autant que possible, je me sens curieusement assez serein face à une
situation que je sais relativement inhumaine, et je ne peux me retirer de
l’esprit que cette tension va finir par me péter au visage.
Plus
tard, peut-être.
Elsa
parle, parle…
Je
ne comprends rien mais ça semble très clair dans sa tête...
« Chuis un peu angoissée par les bonnes femme
qui plongent dans les causses.
Moi je m’en fiche.
Si je peux m’en débarrasser, j’en serais
débarrassée.
Tu connais ça, toi ?
Qu’est-ce qu’on peut faire ?
Y’en a une qui est à moi.
Je veux faire pipi, tu peux me lever le bras ?...
Marie ?! Marie, tu as de la place pour
moi ?
Elle est gentille, elle.
…»
Je
finis par voir le médecin qui me fait un résumé factuel, fin et bienveillant.
Pour
un peu, devant son air vraiment désolé, je lui aurais fait un câlin pour la
rassurer.
Le
soutien sans faille de ma compagne, celui des amis et de ma famille, le lien
fort avec mes frères (mes « grands fiers » expatriés) sont autant de
moyens de passer ces moments de la façon la plus douce possible.
Quitter
les lieux à la fin de cette visite s’est révélé être un acte compliqué
psychologiquement.
D’abord
parce qu’il n’y a aucun repère cognitif qui signifie qu’on part. En
général on dit « Je vais y aller, je
viens te voir très vite, passe une bonne nuit. ».
Et l’interlocuteur
répond d’une façon qui laisse à penser qu’il a compris le message et crée ainsi
l’interaction qui permet de partir.
Là,
il faut juste arriver à décider de quitter le lieu sans être certain que l’acte
soit compris ni entendu.
C’est
très perturbant mais il faut s’y faire.
Trois
jours après, Elsa est toujours dans cette structure temporaire, toujours sous
contentions et en attente d’une place, les soignants sont conscients de
l’aspect un peu inhumain de la situation mais je sais qu’ils font au mieux.
J’essaie
de me protéger en évitant de penser précisément à son quotidien.
Je
ne peux qu’espérer que son entrée en centre spécialisé (pour lequel elle a
l’accord) se fasse dans les plus brefs délais.
Ce
billet n’est pas le plus drôle de ceux que j’ai écrits depuis le début de ce
blog, pourtant je reste détendu et je continuerai de chercher de l’humour
(peut-être plus noir) dans tout cela, de la dérision et de la tendresse.
Ma
résilience m’aide.
Et
je redoute la visite à venir.
Commentaires
Merci de partager vos moments de vie avec Elsa.
Bon courage à vous deux.